Chine : la diplomatie des stades pour contrer Taïwan

Dans sa politique d’une seule Chine, Pékin a toujours cherché à isoler Taïwan d’un point de vue diplomatique. Le ballon rond est entré de manière inattendue dans le conflit. Pour convaincre les pays de rompre leurs relations avec Taïwan, le financement de la construction de stades de football fait partie des ressorts privilégiés.

En mars dernier, le Honduras a officiellement annoncé rompre ses relations avec Taïwan au profit de Pékin. Un nouveau revers diplomatique pour cette île de 35 000 kilomètres carrés revendiquée par la République populaire de Chine qui se veut une et unie; d’où la loi anti-sécession votée en 2005 pour « une réunion pacifique ».

Si 13 États entretiennent des relations diplomatiques avec Taïwan aujourd’hui (Belize, Guatemala, Haïti, Paraguay, Vatican…), la majeure partie de l’Occident garde des liens non diplomatiques forts à travers des bureaux culturels ou commerciaux, comme les États-Unis, qui ont multiplié les déclarations rappelant « l’engagement » avec Taïwan en cas d’attaque de la Chine. Dans un contexte de tension sino-américaine latente, l’île revêt un intérêt encore plus vif et symbolise l’accélération diplomatique pékinoise en Amérique centrale et en Océanie, les deux zones géographiques qui entretenaient le plus de liens officiels avec Taïwan.

La Chine a débuté par l’Afrique

Afin de développer ses relations internationales, la Chine a utilisé depuis plusieurs décennies le football comme l’un des leviers d’entrée auprès de plusieurs pays : le Bénin avec le stade de l’Amitié en 1982, le Burkina Faso avec le stade du 4 août en 1984, le Gabon en 2011 avec le stade d’Angondjé aussi appelé le stade de l’Amitié sino-gabonaise ou le Togo avec le stade de Kégué en 2000. Ayant parfaitement compris l’intérêt géostratégique du ballon rond, Pékin proposait à de nombreux États de financer la construction d’un nouveau stade en échange de liens diplomatiques accrus et d’une porte d’entrée pour d’autres intérêts (se placer pour d’autres contrats lucratifs, développer des relations politiques privilégiées nécessaires pour l’extraction de matières premières, soutien à l’ONU, etc.).

Une idée simple mais terriblement efficace : environ une centaine d’enceintes ont été construites ou rénovées par des capitaux chinois en Afrique, notamment depuis les années 2000 et l’accélération des liens sino-africains. Pour la Coupe d’Afrique des Nations 2023 en Côte d’Ivoire, la Chine a par exemple fait don du stade olympique d’Ebimpé de 60 000 places, surnommé stade Alassane Ouattara, tout en rénovant les enceintes de Korhoho et San Pedro.

Désormais première nation en matière d’échanges commerciaux avec le continent africain, la Chine a récupéré l’adhésion de tous les États hormis Eswatini (ex-Swaziland), toujours fidèle à Taïwan. Si des polémiques ont éclaté concernant l’élaboration low cost de certains stades, ce partenariat « gagnant-gagnant », pour reprendre une formule chère à Pékin a assurément servi les intérêts chinois.

Un succès en Amérique centrale et en Océanie

Forte de cette expérience, la Chine a lancé les mêmes bases en Amérique centrale, à commencer par le Costa Rica et son nouveau Estadio Nacional de 35 062 places, livré flambant neuf le 10 janvier 2011 devant une délégation de l’ambassade chinoise. Un « cadeau » qui a été utilisé pour convaincre Nayib Bukele, le président salvadorien, d’abandonner Taïwan et rejoindre la Chine en 2021 avec un projet de stade de 50 000 places et d’autres structures (bibliothèques, refonte du traitement des eaux usées, etc.).

Le principe a également fonctionné en Océanie avec les Îles Salomon et la promesse d’une nouvelle enceinte prête pour les Jeux du Pacifique 2023. Des pourparlers avec les derniers soutiens de Taïwan sont en cours, toujours avec l’idée d’incorporer le sport et principalement le football dans les contreparties. Une manière de comprendre davantage l’intérêt géopolitique du ballon rond pour tous ces chefs d’État à travers le monde.

Romain Molina

Illustration : Krokus