Rwanda, le nouveau chouchou du sport mondial

Depuis quelques années, les instances sportives internationales accordent de plus en plus d’importance au Rwanda, et notamment à son président Paul Kagame. Basket, cyclisme, golf, football, olympisme, chaque organisation fait de Kigali un hub du sport africain et mondial.

Le 16 mars 2023, Gianni Infantino était élu pour un troisième mandat consécutif à la tête de la Fifa, la fédération internationale de football. Paradant sur l’estrade au gré des applaudissements nourris des 211 fédérations membres, il recevait l’accolade de son hôte, Paul Kagame, le président rwandais. Pour célébrer le 69e congrès Fifa, l’instance mondiale avait choisi Kigali, la capitale rwandaise. Une destination à la mode puisque la Fifa y avait ouvert en février 2021 un bureau de développement régional. « Beaucoup d’organisations sportives sont venues à Kigali ces dernières années », acquiesce la journaliste rwandaise, Annet Mugabo. « Notre capitale est devenue un endroit de rencontres pour le sport africain et même international. »

Des meetings politiques et sportifs

En mai 2021, pour l’inauguration de la Basketball Africa League, une nouvelle version de la Coupe d’Afrique des clubs champions de basket-ball avec le soutien financier et logistique de la fédération internationale (Fiba) et de la NBA, la capitale rwandaise fut choisie pour accueillir l’ensemble de la compétition. Un choix dicté par les mesures liées au covid, mais également pour récompenser les investissements massifs du Rwanda qui a fait bâtir la Kigali Arena, une magnifique enceinte de 10 000 places, ouverte en 2019.

En maître des lieux, Kagame recevait ainsi les pontes du basket et des chefs d’État, comme Emmanuel Macron, alors en visite officielle dans le pays aux mille collines. « Le fait que ce soit la première édition de la Basketball Africa League a aussi beaucoup joué sur la médiatisation de l’événement. C’est à travers ces rendez-vous que le Rwanda a montré un savoir-faire en matière d’organisation », juge Usher Komugisha, commentatrice et journaliste ougandaise dépêchée sur place. Impressionnés par la modernité de Kigali et ses structures sportives construites en quelques années, beaucoup de journalistes et prestigieux invités vantèrent la « métamorphose » d’un pays ayant vécu un terrible génocide en 1994. Un narratif calqué sur le discours de Paul Kagame, président depuis 2000 de ce pays situé au cœur de l’Afrique entre le Congo, la Tanzanie et l’Ouganda.

Un tourisme à la rencontre des gorilles de montagne, espèce en danger d’extinction

Au printemps 2018, Kagame signait personnellement un partenariat avec le club londonien d’Arsenal – dont il est d’ailleurs un supporter. Contre 10 millions de livres par an, les maillots des Gunners arborent désormais le slogan Visit Rwanda. Des visites sont également organisées, notamment pour vanter la faune et la flore rwandaises comme les gorilles de montagne, une espèce en danger d’extinction vivant en Afrique centrale. Grâce à l’aménagement du Parc national des volcans, au nord-ouest du pays, les touristes peuvent ainsi admirer les animaux et l’incroyable panorama de la forêt tropicale. Des opérations de communication similaires ont été établies à la suite d’un autre partenariat signé avec une équipe de football, le Paris Saint-Germain. Pour Kigali, l’objectif était clair : attirer une clientèle internationale aisée pour développer un tourisme de luxe – le prix du billet pour une heure et demie avec les gorilles avoisine les 1 500 dollars !

Des investissements d’influence

Cet été, un troisième club prestigieux a rejoint l’escarcelle du Visit Rwanda, le Bayern Munich. Un contrat de cinq ans pour toucher un autre marché, germanophone. De quoi espérer encore booster le tourisme. Les autorités avancent le chiffre du million de curieux venus visiter le pays grâce à ces partenariats. Un chiffre contesté par la figure de l’opposition politique, Victoire Ingabire, qui estime que l’argent aurait pu être dépensé autrement. Entre la rénovation contre 160 millions de dollars du stade de football de l’équipe nationale, dont la capacité d’accueil passera de 25 000 à 45 000 personnes, l’ouverture d’un parcours de golf complet à 16 millions de dollars, et le championnat du monde de cyclisme en 2025, le Rwanda dépense sans compter pour peser internationalement. Des sommes qui peuvent sembler extravagantes au vu de la santé économique du pays. Passé de 75,2 % à 53,5 % entre 2000 et 2013, le taux de pauvreté a commencé à stagner. Il était de 52 % en 2016, d’après la Banque mondiale. Une stratégie payante en terme d’influence, mais à quel prix ? Elle fait au moins oublier pendant un temps l’actualité à l’est de la République démocratique du Congo, le grand pays voisin, où l’ONU a conclu que Kigali soutenait bien le groupe armé du M23, accusé de multiples exactions (assassinats, viols, etc.).

Romain Molina

Illustration : Rémy Cattelain