Les passes décisives entre Emmanuel Macron et la FIFA
Depuis son premier mandat, le président français a rencontré à de multiples reprises Gianni Infantino, le président de la Fifa. Une proximité voulue par les deux parties qui a débouché sur de nombreux accords et échanges.
Décrit comme un fan de football, particulièrement de l’Olympique de Marseille, Emmanuel Macron s’est toujours mis en avant à l’occasion d’événements footballistiques. Comme tant de chefs d’État à travers le monde, le président français célèbre devant les caméras les succès de son équipe nationale, s’accordant même un discours filmé dans le vestiaire des Bleus après la finale perdue contre l’Argentine lors de la dernière Coupe du monde.
Personnellement impliqué pour rapatrier au Stade de France la finale de la Ligue des champions 2022 après le retrait russe décidé par l’UEFA (N.D.L.R. la confédération footballistique s’occupant des compétitions européennes), il s’était également investi pour convaincre Kylian Mbappé de prolonger son contrat au Paris Saint-Germain, allant jusqu’à dîner régulièrement avec l’attaquant. « Ils sont proches », confirme-t-on dans l’entourage du joueur. Une proximité qui effraie certains membres de la Fédération française de football un peu en froid avec Mbappé. « Il a les oreilles du président, donc on fait attention », glisse l’un d’entre eux.
Une partie de l’Hôtel de la Marine pour la FIFA
Depuis 2017, Macron a rencontré une dizaine de fois Gianni Infantino, faisant de lui l’un des dirigeants politiques les plus visités par le président de la FIFA1. Désireux de délocaliser une partie des bureaux de cette dernière hors de Suisse, pour des raisons légales – au cas où certaines affaires judiciaires en cours tourneraient mal – et financières – les salaires proposés aux employés de la FIFA devant partir de Zurich sont bien moindres –, Infantino a soumis l’idée d’ouvrir une officine à Paris dès 2018. Un an plus tard, après plusieurs rendez-vous informels à l’Élysée, un accord est trouvé avec Macron qui inaugurera en juin 2021 avec Infantino la rénovation de l’Hôtel de la Marine, où la FIFA dispose désormais de bureaux privés. Un deal gagnant-gagnant dit-on ; l’entourage du président français se vantant que l’Hexagone fût choisi à la place d’autres pays, ce qui symboliserait la grandeur et l’influence du pays.
Derrière cet accord, la FIFA a également embauché plusieurs collaborateurs de la FFF – notamment Kenny Jean-Marie, ancien haut fonctionnaire aujourd’hui directeur de la division des membres associés de la FIFA – ou des anciennes équipes de Macron, comme Marie-Laure Lemineur, nommée responsable de la protection de l’enfance. D’autres projets sont actuellement en négociation, tandis que le président français souhaite capitaliser sur cette exposition internationale avec la NBA ; un « plan global de collaboration » a ainsi été passé avec l’Élysée, la Fédération française de basket et la ligue américaine pour développer la balle orange française et… africaine. De quoi regagner en influence à travers le sport sur un continent qui s’extirpe de plus en plus de l’emprise hexagonale.
Platini en trouble-fête ?
Une ombre plane toutefois au-dessus des relations idylliques entre l’Élysée et la FIFA : Michel Platini. Ennemi juré d’Infantino, l’ancien meneur de jeu de l’équipe de France est vu par le pouvoir français comme l’homme pouvant relever la Fédération française de football qui traverse une crise sans précédent.
Ayant rencontré début février la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, Platini ne s’est pas positionné, encore occupé par une décision de la justice suisse (N.D.L.R. Il avait été acquitté dans une affaire datant de 2011 concernant un paiement de 2 millions de francs suisses, mais le parquet a fait appel). Pour Infantino, cette possibilité d’un retour est hors de question, quitte à demander au président français de réfléchir à deux fois avant de soutenir l’ancien numéro 10. Après tout, l’intervention du gouvernement dans les affres de la FFF pourrait aussi permettre à la FIFA de suspendre la fédération pour « ingérence politique ». Un stratagème surtout utilisé en Afrique et en Asie, mais qui pourrait aussi s’appliquer à une nation européenne si la menace était jugée sérieuse par le tout-puissant président de la FIFA.
Romain Molina
Illustration : M. Deubs
1 Mohammed ben Salmane, le prince héritier d’Arabie saoudite, et Paul Kagame, le président du Rwanda, sont également souvent en compagnie de Gianni Infantino.