Edito : « Pire que mal faire, ne rien faire »

« Il plombe le moral, votre journal ! » Voilà une critique récurrente. Depuis notre premier numéro, on essaie d’apporter un peu plus de joyeuseté tout en gardant notre ligne – de l’enquête sur les thèmes environnementaux, de santé publique et de l’impact de la technologie sur notre société. Mais franchement, on n’est pas aidés : une milice de mercenaires menace d’un putsch la deuxième armée du monde. On déroule le tapis à un homme plus riche qu’un État, qui se lance dans la conquête de l’espace et du transhumanisme. Un président de la République veut faire une « pause » sur les réglementations écologiques, quand le Haut Conseil pour le climat (HCC) annonce que la France n’est « pas prête à faire face » au changement climatique. Pire encore, elle ne se prépare pas.

Alors, on se fend d’un conseil : pour le bien de votre moral, évitez la lecture du rapport annuel du HCC de 2023. Il met en avant la canicule de 2022 et ses conséquences (sécheresses, incendies, etc.) avant d’expliquer que la fréquence et l’intensité de ces phénomènes vont encore croître dans les années à venir. Il stipule qu’en plus, on n’est pas au « bon endroit », l’Europe se réchauffant deux fois plus vite que l’ensemble de la planète.

La réaction française est bien timorée, comme l’indique le HCC : « La baisse des émissions de gaz à effet de serre de la France se poursuit en 2022, mais à un rythme qui demeure insuffisant pour atteindre les objectifs de 2030. »

Dans ce rapport nommé « Acter l’urgence, engager les moyens », le Haut Conseil pour le climat attend « des actions correctrices rapides et en profondeur. […] La France doit transformer sa politique économique, y compris budgétaire, fiscale, commerciale, industrielle, et de l’emploi, mobiliser les ressources et les financements nécessaires, soutenir les plus vulnérables dans un esprit de transition juste… » Tout un programme. Pour motiver,le HCC a compris que le plus efficace était de parler d’argent : le rapport estime à 43 milliards d’euros les dépenses défavorables au climat en 2023. Bref, un pognon de dingue.

La France chauffe aussi socialement, mais arrêtons d’évoquer tout cela. Ça plombe le moral. Faisons une pause. Asseyons-nous à la terrasse d’un café. Apportons notre Brèche car les journaux papier y ont disparu. Il en va de même dans les restaurants, les institutions ou les transports en commun. Après les grandes envolées sur les fractures numériques, il faudra s’occuper de la coupure du concret. Dans ces conditions, lancer un journal papier n’était pas gagné, le rendre pérenne encore moins. C’est peut-être idiot, mais peu importe : on le fait.

« Chaque génération se croit plus intelligente que la précédente et plus sage que la suivante », a écrit George Orwell. L’auteur de 1984 a bien fait de prendre la précaution d’utiliser le verbe « croire ». Car, aujourd’hui, personne ne peut croire que nous sommes plus intelligents et encore moins plus sages. Ce qui est sûr, c’est qu’à ce rythme on va droit dans le mur. À moins de se souvenir de la citation de Romain Rolland : « Agir, c’est croire… »

L’équipe de La Brèche