Compensation écologique : La biodiversité comme nouvelle arnaque verte ?
Aussi fort que la compensation carbone, voici la compensation écologique ! Pour contrebalancer la mare détruite par la construction d’un centre commercial, on en creuse une nouvelle un peu plus loin. C’est simple et ça marche pour tous les travaux. Il n’y a que les militants environnementaux et les écologues pour crier à l’arnaque verte. Direction l’Essonne avec l’exemple d’un chantier de la Société du Grand Paris (SGP).
Ces arbres-là ne fleuriront pas au printemps. Les pieds dans la terre humide des berges de l’Yvette, trois membres du Collectif contre la ligne 18 sont venus étudier les mesures de compensation écologique mises en place par la Société du Grand Paris (SGP). Sur la quarantaine d’aulnes et de frênes plantés en 2019, dix sont morts, sur pied ou complètement étêtés par la tempête. « Ils auraient dû retirer les tuteurs. Les cordes qui maintiennent les arbres les enserrent et les empêchent de rester souples face au vent », déplore le militant Philippe Tellier, en passant son doigt sur un des troncs, cassé net au niveau du lien qui l’arrimait à un épais tuteur.
Le principe de la compensation écologique, inscrit dans le Code de l’environnement, est tout bête : chaque hectare de zone naturelle endommagée lors de travaux doit être équilibré par la « renaturation » d’un espace de surface équivalente. À première vue, la SGP, qui gère l’agrandissement du métro parisien, respecte son contrat. Selon ses chiffres, les mesures de compensation s’étalent sur une surface de 21 hectares contre les 22 hectares d’emprise au sol de la ligne 18.
Sur les bords de la rivière Yvette, à Orsay (Essonne), au sud de Paris, les travaux qui couvrent une surface de 2,5 hectares comprennent la modification des berges pour en adoucir la pente, la création de méandres pour ralentir le cours d’eau et la plantation d’arbres. « La majorité des arbres sont malades, les jeunes frênes sont attaqués par un champignon venu d’Asie. À d’autres endroits, ils n’ont pas laissé la rivière s’étendre suffisamment pour créer une zone humide », déplore l’écologue Paul Leadley. Le chercheur, membre de l’Ipbes (l’équivalent du GIEC pour la biodiversité), qui étudie les impacts humains sur la rivière depuis vingt ans, ajoute que « la vallée de l’Yvette est un exemple parfait du manque de suivi qu’on constate dans les mesures de compensation écologique ».
Selon la loi, le maître d’ouvrage doit surveiller l’évolution des travaux et vérifier leur efficacité en matière de restauration de la biodiversité1. Mauvais point pour la SGP. Outre la façon dont les travaux de compensation sont réalisés, le principe même de ce dispositif questionne les chercheurs et les militants. « Les zones naturelles détruites par les travaux sont situées sur le plateau de Saclay. On peut s’interroger sur la pertinence de les compenser par des zones humides en fond de vallée. Ce sont deux milieux très différents écologiquement », soulève Paul Leadley. D’autres sites de compensation sont encore plus éloignés de Saclay, comme celui de Pierrelaye (Val-d’Oise) distant de 40 kilomètres. « En quoi replanter des arbres à une heure de voiture de ma ville va-t-il compenser la destruction de la nature autour de chez moi ? », demande Philippe Tellier, qui habite Saint-Quentin-en-Yvelines, sur le tracé de la future ligne de métro.
Avec l’urbanisation galopante et son étalement, il devient de plus en plus difficile de trouver des sites de compensation en Île-de-France. Renaturer une friche industrielle est extrêmement coûteux : il faut enlever le bitume et dépolluer les sols. Alors souvent, comme sur les bords de l’Yvette, la compensation va plutôt consister à « améliorer » des zones naturelles. Ce dispositif, déjà critiqué par les associations environnementales et les écologues, pourrait bien être revu à la baisse. Le projet de loi de simplification qui doit être examiné par le Sénat en juin, d’après Contexte2, prévoit d’alléger le mécanisme en étalant les exigences de compensation dans le temps. Comme quoi, le « washing » version biodiversité a bien pris racine.