Édito : Écrire un autre chemin est possible

À Shanghai, les tours s’étirent et les lumières des buildings sont là autant pour éclairer que vendre le produit du moment. Par endroits, ce pourrait être Times Square. Mais ici, les journaux papier ont disparu au profit des téléphones. « Le journal, c’est fini, tout le monde s’informe sur TikTok. En France, je vois encore des gens sans leur téléphone au restaurant. En Chine, c’est fini… », confie Wilfried, qui réside depuis vingt ans dans l’empire du Milieu. TikTok est également devenue la première source d’information des Britanniques de 12 à 15 ans, en juillet 2023, d’après l’Observatoire des communications du Royaume-Uni (Ofcom). Dans l’Hexagone, la trajectoire est similaire. Est-ce l’avenir inéluctable qui nous attend ? On aime à penser que non. Différents chemins sont possibles. Pour s’en persuader, regardons aussi ce qui se passe au Japon. On retrouve ces buildings illuminés par des néons vantant des marques et des boutiques. Terre d’innovation et de paradoxe, l’archipel s’accroche à ses traditions. Les Nippons ont du mal à se séparer de quelques technologies désuètes dans nos contrées. Le ministre du Numérique, Taro Kono, a annoncé le 28 juin 2024 avec enthousiasme avoir stoppé l’utilisation dans les administrations des… disquettes. Et le pays s’accroche encore au fax, dont le message est imprimé automatiquement dès sa réception. Un atout majeur pour les administrations, car même en cas de catastrophe, le destinataire a bien une copie physique du message.

« ESPÉRER, C’EST DÉMENTIR L’AVENIR »

Cette attirance pour le palpable nous amène à une autre particularité nipponne : les journaux papier. Les Japonais restent fidèles aux grands titres qui ont longtemps été réticents à aller tous azimuts sur le Web. Résultat, les deux plus importants tirages au monde sont trustés par des journaux de l’archipel : Yomiuri Shimbun avec plus de 8 millions d’exemplaires quotidiens et Asahi Shimbun avec 6,6 millions d’exemplaires. À titre de comparaison, Ouest France, quotidien le plus diffusé en France, n’est tiré qu’à 602 803 exemplaires, et Le Monde à 488 802 exemplaires. Et rions un peu… La Brèche, à moins de 30 000 exemplaires. Même la jeunesse nipponne s’y met. Plutôt que de créer un site, un compte Insta ou TikTok, le Japon est submergé par la vague des « zines », indique le Courrier international (6 juillet 2024), qui évoque « la revanche du papier ». La tendance est à créer son fanzine pour évoquer sa passion, en confectionnant son magazine, bricolé à la main et imprimé sur la première machine trouvée. Un revival qui prouve bien que le papier n’est pas encore mort. En France, il n’est pas encore totalement obsolète. S’informer uniquement avec TikTok, Instagram et autres ne doit pas devenir l’avenir. Ce n’est pas la marche inéluctable des choses. « Espérer, c’est démentir l’avenir », écrivait le philosophe E. M. Cioran. Publier La Brèche est notre manière d’espérer.

L’équipe de La Brèche

Paru dans La Brèche n° 9 (août-octobre 2024)