Avec Javier Milei, un climatosceptique a pris la tête de l’Argentine

« Toutes ces politiques du changement climatique qui culpabilisent l’être humain sont fausses. Et tout ce qu’elles font est de collecter des fonds pour financer des socialistes, fainéants, qui écrivent des articles académiques de quatrième catégorie. » Telle est la fine analyse du nouveau président argentin, Javier Milei (El Pais, 30 novembre 2023). Ce « libertarien de droite » a exprimé tout son dégoût pour le consensus scientifique autour du dérèglement climatique lors du deuxième débat présidentiel en Argentine. Un choix payant qui lui a permis de prendre la Casa Rosada, le 10 décembre 2023.

Les électeurs étaient prévenus. En 2021, quand il commençait à se faire connaître, il a assuré que le réchauffement global n’était qu’un bon gros complot (Infobae, 8 octobre 2023) : « C’est un autre mensonge du socialisme. Il y a tout un agenda du marxisme culturel. Il y a 10 ou 15 ans, on discutait du fait que la planète était en train de se congeler, et maintenant on dit qu’elle chauffe. Arrêtez, s’il vous plaît ! »

Ce n’est pas seulement lui, mais tout son parti politique d’extrême droite qui a pris position contre l’écologie. La vice-présidente, Victoria Villarruel, avait répudié la création des parcs nationaux dans son pays, assurant que cela ne servait qu’à « créer des emplois pour les militants », (Econews, 19 octobre 2023).

Un autre député de La Libertad Avanza, Bertie Benegas Lynch, avait lui aussi construit un drôle de raisonnement pour défendre l’idée selon laquelle « le problème de l’environnement se résout avec des droits de propriété » : « Pourquoi les poules et les vaches ne disparaissent-elles pas ? Parce qu’elles ont un propriétaire, parce qu’il y a une utilité économique », a-t-il déclaré dans Ámbito Financiero le 19 octobre 2023, défendant au passage la privatisation de la mer.

Se prétendant libertaire, voire « anarchocapitaliste », Javier Milei reproche au « marxisme culturel » de susciter la peur et de promouvoir l’idée qu’il existe un changement climatique. En imitant la façon de parler de la droite américaine, l’économiste à la tronçonneuse utilise cette expression comme une menace générale réunissant le féminisme, « l’idéologie du genre », les revendications des organisations LGBTQIA+, la justice sociale, les droits humains, le multiculturalisme et aussi l’écologie. Sa réponse est simple : privatisation, libéralisation et déni.

Les Argentins ont voulu goûter à l’extrême droite décomplexée. L’arrière-goût est venu bien vite. Le bruit des casseroles de la colère n’a pas perturbé Javier Milei qui n’a pas traîné pour appliquer ses grandes idées. Une de ses premières décisions à la tête de la Casa Rosada a été la suppression du ministère de l’Environnement et du Développement durable. Une disparition loin d’être un cas isolé car Milei y va à la tronçonneuse : le gouvernement argentin ne compte désormais plus que 9 ministères, contre 22 au moment de son investiture (El Cronista, 10 décembre 2023). Dans la longue liste des disparus se trouvent notamment les ministères des Sciences, de l’Éducation, de la Culture ou encore des Femmes, du Genre et de la Diversité. Et l’ex-ministère de la Justice et des Droits humains a été rebaptisé : ministère de la Justice. En même temps, les droits humains sont des dépenses bien inutiles pour Milei.

Bastian Diaz

Illustration : Rémy Cattelain