Transition : même les écolos subventionnent Rio Tinto
Vous connaissez Rio Tinto ? Une multinationale d’extraction minière pointée par toutes les ONG de la planète pour ses dégâts écologiques. Le 24 novembre dernier, le Conseil régional des Hauts-de-France lui attribuait 147 000 euros pour produire, dans son entreprise Borax de Coudekerque (Nord), un dérivé de lithium pour voitures électriques. Si la somme est modeste, la décision est emblématique. Votée à l’unanimité, droite, gauche et écolos compris, elle prouve que de l’Europe à la dernière des collectivités, la manne publique est grande ouverte pour les industriels de la « Transition ». Quoi qu’il en coûte pour l’environnement mondial. Quoi que rechignent les consommateurs.
Les contorsions des « Écolos » prouvent un volontarisme inatteignable, par la voix de son élu Gilles Mettai : « Le projet Borax est essentiel à la transition énergétique. Cependant, il est impossible de passer sous silence l’historique de Rio Tinto, responsable de catastrophes écologiques au Canada, en Colombie britannique, infectant les eaux, les sols et les populations. Il est impératif de nous assurer que ce projet respectera les normes environnementales. » Ne serait-ce pas la moindre des choses ? Même l’Autorité environnementale, sorte de bureau d’études du Préfet, s’inquiète et réclame de Borax qu’elle « maîtrise » ses futurs rejets de poussières, dioxyde d’azote et acide chlorhydrique, afin de « réduire l’exposition des populations environnantes »1. Le lithium de Rio Tinto polluera des montagnes andines aux bronches dunkerquoises, mais la Transition excuse tout. La Communauté urbaine de Dunkerque devrait attribuer 150 000 euros supplémentaires, et l’État 600 000 euros.
La décision intervient dans un contexte économique mitigé. Le marché patine. Northvolt, géant suédois des batteries, s’est déclaré en faillite fin novembre, cependant que le groupe minier français Eramet suspendait son projet de recyclage, faute de « matière première » (de batteries usagées). La batterie, ce symbole de la Transition, ferait-elle pschitt ? En même temps, l’usine ACC ouvre une deuxième ligne de production et ses concurrents Verkor et AESC, toujours dans les Hauts-de-France, s’apprêtent à produire. « N’en déplaise aux sceptiques, la “vallée de la batterie” devient concrète », affirme une élue UDI à l’heure de voter la subvention. Alors, la batterie ? Mouvement de fond ou méthode Coué ?
Coué qu’il en coûte
À quelques encablures de l’usine Borax, 500 représentants de l’État, de la batterie et de l’extraction minière, se sont retrouvés le 5 novembre dernier à Coudekerque pour discuter « enjeux et perspectives ». Entre autres hauts fonctionnaires, le directeur de la Délégation interministérielle aux métaux stratégiques (la Diams !) est venu égrener les milliards accordés à la filière : « Sans ces soutiens publics, les cinq gigafactories actuelles n’existeraient pas. Il n’y aura pas de retour en arrière, que ce soit pour des raisons légales, environnementales ou économiques. Le gros du flux de batteries à recycler n’arrivera qu’en 2035, l’annonce d’Eramet n’est qu’une question de calendrier. » Eu égard à ses engagements climatiques et industriels, l’État n’abandonnera pas.
Côté industriels, jouer les Cassandre permet de négocier quelques aides financières supplémentaires : « Vu l’évolution du marché qui tarde, il va nous falloir des aides, et pas uniquement privées », lance le patron d’ACC, qui a déjà perçu 850 millions d’euros d’aides publiques. Cela ne coûte rien de demander. Ursula von der Leyen renouvelait quelques jours plus tard son mandat à la tête de la Commission européenne avec une nouvelle enveloppe de 4,6 milliards d’euros pour la « décarbonation », les industriels de la batterie se réservant un milliard : « L’Europe de demain doit être compétitive et neutre pour le climat », rappelait-elle. C’est à ce titre que les plus désastreuses multinationales profiteront des subsides, si besoin avec l’aide des « Écologistes ».
TomJo
Illustration : Bouzard
Paru dans La Brèche n° 11 (mars-mai 2025)
- Avis de la Mission régionale d’autorité environnementale des Hauts-de-France, 15 mai 2024 ↩︎