Sondages, l’autre arme de Bolloré pour influencer l’opinion
« Sondage : 68 % des Français pensent qu’il existe un lien entre insécurité et immigration ». Voici un gros titre, le 2 juin, sur les sites du Journal du dimanche et de CNews. Depuis l’été 2023, les trois médias du groupe Bolloré – CNews, Europe 1 et le Journal du dimanche – utilisent régulièrement les sondages. Ils sont communiqués pratiquement chaque semaine sur les sites de CNews et du JDD (près de 80 traités en un an pour le premier, plus de 50 pour le second). Construits à partir d’un échantillon de 1 000 personnes interrogées, ils sont présentés de façon à servir la ligne éditoriale très droitière des médias, en rebondissant principalement sur des faits d’actualité.
« Ils sont parfois livrés en moins de 48 heures par le CSA », glisse un journaliste membre du groupe. Le hic, c’est que cet institut CSA est une autre entité de la galaxie Bolloré, depuis 2008. À sa tête, on retrouve Yves Del Frate – fils spirituel de Jacques Séguéla –, homme fidèle de la nébuleuse Bolloré. Un lien d’intérêt qui n’est jamais précisé aux lecteurs et auditeurs. « Un des effets principaux que produisent les sondages, c’est d’imposer aux gens des questions idiotes ou des questions qui n’intéressent que ceux qui les posent », analysait Pierre Bourdieu (Antenne 2, 16 janvier 1986). La sphère du milliardaire l’a bien compris en exploitant les enquêtes d’opinion pour imposer ses thèmes. « On prend les données brutes du sondage, avant de les mettre en contexte. L’instruction donnée, c’est de mettre en avant ce qui peut arranger le média », admet un journaliste du groupe.
Les résultats sont traités dans un premier temps du côté de la chaîne CNews ou de l’antenne d’Europe 1, puis déclinés pour le web. Ainsi, au moment où des révoltes éclatent en Nouvelle-Calédonie au mois de mai dernier, CNews, Europe 1 et le JDD relaient le 17 mai que « 57 % des Français estiment qu’un racisme anti-blancs s’exprime dans les émeutes en Nouvelle-Calédonie ». Et ça marche : « Ce sont souvent des articles qui se retrouvent dans le top des papiers les plus lus, avec des centaines de milliers de vues », souligne le journaliste. Une manière de faire infuser, doucement mais sûrement, leurs idées.