Périnatalité : comment faire moins bien avec plus de moyens

Dans un numéro récent, nous avons évoqué l’hémorragie des fermetures de maternités au niveau national. Leur nombre est passé de 742 en 2000 à 464 en 2022, avec en première ligne les services de plus petite taille, dits de niveau 1, souvent situés en zones rurales1. La Cour des comptes a publié début mai un rapport cinglant sur la politique de périnatalité française, au titre évocateur : « Des résultats sanitaires médiocres, une mobilisation à amplifier ».

Avec plus de moyens, les pouvoirs publics parviennents à faire toujours moins bien

Le rapport pointe les écueils d’une politique défaillante en matière de périnatalité : « Alors que les moyens consacrés à la politique de périnatalité sont toujours plus importants (9,3 Md€ en 2021, + 9 % par rapport à 2016) et que la natalité recule (- 5,3 % sur la même période), les résultats observés au plan sanitaire posent la question de l’efficience des moyens alloués. » Avec plus de moyens, les pouvoirs publics parviennent à faire toujours moins bien : « Les principaux indicateurs de la santé périnatale – mortinatalité, mortalité néonatale et mortalité maternelle – mettent en évidence une performance médiocre de la France par rapport aux autres pays européens. Elle a, en outre, baissé dans la période récente. Le taux de mortinatalité en France, correspondant au rapport entre le nombre d’enfants nés sans vie et le nombre de naissances totales, est, depuis vingt ans, parmi les plus élevés d’Europe. En outre, la France est l’un des seuls pays dans lesquels il ne s’est pas amélioré depuis 2000. » Le rapport pointe « les inégalités sociales et territoriales » mais aussi « un système de suivi épidémiologique lacunaire » ou encore « une offre de soins inadaptée aux enjeux actuels de la périnatalité ».

Alors on change de politique ? C’est ce que propose la Cour des comptes à travers ses recommandations. Et notamment de stopper la fermeture des petites maternités : « Pour chacune des maternités pratiquant moins de 1 000 accouchements par an, conduire au niveau régional une revue périodique de l’activité, prenant en compte la qualité et la sécurité des soins et en tirer des conséquences sur l’opportunité et les conditions de la poursuite de leur activité. » En espérant que ce rapport n’accouche pas d’une souris…

Leah Cerb

Illustration : Toto Dernoncourt

  1. « Loin du “réarmement démographique”, la disparition des petites maternités », La Brèche n° 8, mai-juillet 2024 ↩︎
Déserts médicaux : des mesures « fragmentaires » et peu « ciblées »

La Cour des comptes a également analysé les errances de l’organisation territoriale des soins de premiers recours (généralistes, spécialistes en accès direct, dentistes). Son rapport du 13 mai 2024 met en évidence une dégradation de l’accès à ces soins et une aggravation des inégalités territoriales. Les nombreuses mesures adoptées depuis plus de vingt ans sont jugées dispersées et peu « ciblées ». « La part de patients sans médecin traitant s’accroît, de même que la part de médecins ne prenant plus de nouveaux patients », indique le rapport.

Dans ses recommandations, la Cour des comptes préconise notamment « d’encourager les médecins à venir exercer à temps partiel dans les zones manquant de professionnels de santé : à court terme en complétant les aides des collectivités territoriales à l’équipement de cabinets secondaires; et, à plus long terme, en conditionnant toute nouvelle installation dans les zones les mieux dotées en médecins à un engagement d’exercice partiel dans les zones les moins bien dotées ». Conditionner l’installation des médecins, un serpent de mer qu’il va bien falloir aborder...