Modification du code minier : une volonté politique de promouvoir les exploitations

Votée en août 2021, la loi Climat autorise le gouvernement à modifier le Code minier par ordonnances. La gestion des substances minérales a déjà été promue d’intérêt général. Et comme nous l’avons souligné dans La Brèche n°1, la réforme a commencé mais n’est pas terminée. Son objectif est d’apporter de la transparence dans la réalisation pour des projets mieux acceptés par la population, quitte à assouplir les évaluations environnementales et alléger les contraintes sur les exploitants. Décryptage.

« Dès l’origine, le Code des nuisances de 1810 de Napoléon a été établi avec comme principal enjeu non pas de protéger l’environnement et les populations, mais de pouvoir judiciariser les nuisances pour faciliter le développement des industries », souligne Paul Poulain, ingénieur consultant sur les risques industriels et auteur du livre-enquête Tout peut exploser. Plus de 200 ans plus tard, rien n’a changé : cette nouvelle modification du Code minier avance avec cette même volonté de faciliter les installations.

« Accélérer l’implantation des projets miniers »

Le changement climatique ne fait plus débat. La solution résiderait dans la transition énergétique : il faudrait troquer les délétères énergies fossiles contre les vertueuses énergies vertes. Éoliennes, panneaux photovoltaïques, centrales nucléaires et autres mobilités électriques en seraient les nécessaires outils. Nos sociétés passeraient ainsi de l’ère du pétrole à celle des métaux : silicium, cuivre, uranium, cobalt, nickel, tungstène, terres rares, étain, lithium, etc.
Pour faire face aux besoins d’approvisionnement de ces matières premières, le gouvernement entend activer la relance de l’exploitation minière en France, dans l’Allier, mais pas seulement. Et pour favoriser les projets, le gouvernement s’est lancé dans la refonte du Code minier. L’objectif expliqué en Conseil des ministres le 13 avril 2022 est de rendre « le régime juridique [minier] et les procédures d’instruction plus complètes et lisibles, [pour permettre] d’accélérer l’implantation des projets miniers essentiels à la souveraineté de notre pays, tout en appliquant un haut niveau d’exigences environnementales. »
Dans une volonté affichée de concilier la relance minière et les préoccupations sanitaires et environnementales, le gouvernement a engagé la réforme du Code minier depuis 2021. Elle concerne tous les aspects dans le déroulement des projets miniers, notamment : titres, travaux d’exploitation, mise en sécurité à la fermeture des mines, responsabilité des exploitants, prévention et réparation des dommages sanitaires et environnementaux.

La gestion des substances minérales promue « d’intérêt général »

« La gestion et la valorisation des substances minérales » sont promues au statut d’« intérêt général » et en ce qu’elles « concourent aux objectifs de développement durable des territoires et de la Nation », comme l’indique ce nouveau Code minier. Ce point conceptuel s’accompagne de changements concrets. Les titres miniers d’exploration ou d’exploitation « octroyés » par le gouvernement confèrent historiquement à leur bénéficiaire des droits exorbitants : occuper tous les terrains à l’intérieur du périmètre du titre minier et y réaliser tous les aménagements qui sont nécessaires au fonctionnement des travaux miniers1, et même au besoin, à l’extérieur du périmètre institué grâce aux déclarations d’utilité publique. Désormais, ce seront aussi des servitudes d’utilité publique qui pourront être instituées pour « les travaux miniers […] susceptibles de créer des dangers ou des risques très importants pour la santé ou la sécurité des populations ou pour l’environnement »2

Les dommages sanitaires font une entrée très timide et unique dans ce nouveau Code minier

La réforme introduit également l’« analyse environnementale, économique et sociale » dans le processus de décision d’octroi du titre minier. Aux contours et modalités encore flous dans l’attente des décrets d’application, ce processus introduit la consultation des collectivités territoriales concernées – à l’exception curieuse du département – et la possibilité d’adosser un cahier des charges au titre minier. Les arguments d’acceptabilité sociale de ces projets, échafaudés sur les enjeux de développement économique et d’emploi, devraient y trouver bonne place.

Recul de la prise en compte des enjeux environnementaux

L’ouverture des travaux miniers est désormais soumise au Code de l’environnement, dans le cadre de la procédure d’autorisation environnementale3. Le but clairement assumé par le gouvernement consiste à simplifier les démarches des porteurs de projets.
Une seule demande, et donc une seule enquête publique, inclura les aspects « loi sur l’eau » (exemple : rejet des eaux des usines de traitement du minerai), les installations classées (exemple : usines de traitement du minerai) et les travaux miniers. Pour raccourcir encore les délais des projets, cette procédure pourra être incluse directement dans la demande de concession minière.
Ce transfert vers le Code de l’environnement s’accompagne de quelques discrets reculs de prise en compte des enjeux environnementaux. En effet, les dossiers de demande d’ouverture de travaux miniers ne comporteront plus de « document indiquant les incidences des travaux sur la ressource en eau »4, et la nécessité d’une étude d’impact pour les travaux miniers souterrains sera laissée à l’appréciation du préfet, « au cas par cas »5.

Le nouveau Code minier stigmatise la victime

Au regard de « la nature et l’importance des dangers ou inconvénients que [les travaux miniers] peuvent représenter », cette réforme reprend les principes du Code de l’environnement d’une constitution préalable de garanties financières par l’industriel, pour notamment assurer « le maintien en sécurité de l’installation, les interventions éventuelles en cas d’accident avant ou après la fermeture du site », sans toutefois couvrir « les indemnisations dues par l’exploitant aux tiers qui subiraient un préjudice du fait de pollutions ou d’accidents causés par les travaux ou les installations. » De même, les dommages sanitaires, c’est-à-dire sur la population, font une entrée très timide et unique dans le Code minier. Il est implicitement reconnu que les activités minières peuvent être à l’origine de risques pour la santé en raison de l’existence de « recommandations émises par les autorités sanitaires ».

Mais la modification apportée au Code minier, au contraire de constituer une protection, stigmatise ici la victime : si elle s’abstient de suivre lesdites recommandations, cette « faute » permettrait de « réduire ou supprimer la responsabilité » de l’industriel. Il s’agit de préconisations triviales dont la bonne exécution est quasi impossible à prouver. Voici, par exemple, quelques conseils sanitaires de l’ARS (Agence régionale de santé) Occitanie, destinés aux personnes vivant sur ou à proximité de sols fortement concentrés en métaux et métalloïdes : veiller au bon lavage des mains des enfants, aux ongles coupés court, au lavage fréquent des jouets utilisés en extérieur, au lavage des vêtements de jardinage, ne pas laisser les enfants jouer dans la terre, etc.
Pour ce qui est de la réparation des dommages sanitaires, les victimes devront attendre la survenue des maladies induites par les polluants et prouver le lien de causalité : « Seul est réparable le préjudice actuel, direct et certain résultant d’un dommage […] ». Autant dire, bon courage !

Sébastien Delliaux

Illustration : Gally

1 Articles L153-3, L153-8, L153-14, L153-15 du Code minier

2 Article L174-5-1 du Code minier

3 Décret n ° 2023-13 du 11 janvier 2023 relatif à l’autorisation environnementale des travaux miniers

4 Décret n ° 2006-649 du 2 juin 2006 relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages souterrains.

5 Projet de décret portant diverses modifications du régime d’évaluation environnementale de certains travaux et forages miniers prévu à l’article R.122-2 du Code de l’environnement.

Beauvoir : une montagne de déchets... chaque année
La dénomination mine « verte » ou « responsable » semble bien antinomique. La mine verte sous-entend la maîtrise des impacts potentiels de l’exploitation des mines sur l’environnement et l’aspect sanitaire. Mais dans les grandes lignes, on utilise les mêmes techniques minières qu’il y a un siècle.
Prenons l’exemple du projet Emili, à Beauvoir dans l’Allier, d’où serait extrait le précieux lithium des futures voitures électriques, à partir de 2028. L’ordre de grandeur y est de 0,5 à 1 % de lithium dans le minerai. On devrait donc jeter 99 % de résidus, plus tous les produits qui ont permis d’extraire le lithium. Les 34 000 tonnes d’« or blanc » annoncées représentent au moins un million de mètres cubes de roches à extraire, avec des risques de perturbations de la circulation des eaux souterraines, et donc potentiellement de surface.
Après avoir été réduite à l’état de farine par multiples concassages, la roche subirait plusieurs traitements dans des bains à très haute température, avec adjonction de produits chimiques (acides, chaux, etc.). L’eau constituerait aussi à ces étapes un double enjeu : volumes nécessaires et rejets dans le milieu. Une fois le précieux lithium récupéré, il faudrait alors stocker quelque part les boues générées par toutes ces opérations.
Boues qui pourraient contenir les « petits camarades » qui accompagnent ici et là le lithium dans ce granit, comme le plomb et l'uranium (http://infoterre.brgm.fr/rapports/76-SGN-316-MGA.pdf). Classiquement, ce stockage est réalisé derrière des « digues » à résidus. Les quantités en jeu des déchets générés par les différentes étapes seraient supérieures à celle du granit originel, déjà équivalent à plus de deux mètres de haut étalés sur cent terrains de football. Et cela chaque année...