Les sas régionaux, reflet du « nettoyage social » des JO de Paris

« Nous avons vécu dans un pays où on a eu le sentiment que l’air était plus léger », a déclaré Emmanuel Macron à l’issue des Jeux olympiques de Paris. Tout le monde n’a toutefois pas partagé ce sentiment, à l’image du collectif le Revers de la médaille, qui a une nouvelle fois dénoncé le « nettoyage social » effectué avant les épreuves, à l’occasion de la présentation de son rapport, publié le 4 novembre. Paul Alauzy, coordinateur de la veille sanitaire de l’ONG Médecins du monde et porte-parole du collectif, a suivi de près cette période : « Les personnes en situation de précarité en Île-de-France ont été évacuées des campements et beaucoup ont été envoyées dans des sas régionaux. » Ces dispositifs, mis en place en avril 2023, visaient officiellement à « désengorger » les centres d’hébergement franciliens d’après le ministère en charge du logement. En réalité, ces sas constituaient avant tout un moyen de faire « place nette » dans la capitale avant les JO : « J’ai assisté à la plupart des évacuations. Pour avoir le droit de rester à Paris, il fallait un CDI ou un CDD de 9 mois minimum, avec un travail dans Paris intra muros. »

« Le nettoyage social restera une tache indélébile sur la vitrine des Jeux de Paris »

Rapport du collectif le Revers de la médaille

Selon son rapport, le Revers de la médaille estime à presque 20 000 le nombre de personnes expulsées de leurs lieux de vie informels en prévision des JO. Une large partie d’entre elles a été envoyée en région, sans que des moyens suffisants ne soient alloués. Une table-ronde a été organisée le 19 septembre dernier par la délégation aux droits des femmes du Sénat pour tirer un bilan de ce dispositif. Le constat d’une « situation dramatique » y a été établi, notamment en raison d’un manque criant de places d’hébergement. Ce qui a eu pour effet de mettre en « concurrence » les personnes sans abri déjà installées en région et celles nouvellement arrivées.

« Chaque sas permet de gérer 50 personnes toutes les trois semaines. Et à la sortie du sas, il n’y a pas de sortie directement à la rue. Régulièrement, il y a donc de nouvelles personnes, qui sont orientées prioritairement vers des places au 115, au moins le temps d’une nuit. Il y a une injustice créée de facto », explique Paul Alauzy. Une situation provoquée par des politiques inadaptées, qui exacerbe les tensions entre des personnes déjà fragilisées et contribue à nourrir des discours xénophobes. Des solutions ont pourtant été proposées, notamment via la mission d’information « Femmes à la rue », dont le rapport a été déposé au Sénat le 8 octobre. Mais Laurence Rossignol (PS), l’une des rapporteuses, s’est dite « perplexe et inquiète sur notre capacité à faire des préconisations qui ne finissent pas dans la poubelle des pouvoirs publics ». Le collectif, quant à lui, a remis via son rapport la médaille d’or du « social washing » à l’État français, insistant sur le fait que « le nettoyage social restera[it] bien une tache indélébile sur la vitrine des Jeux de Paris 2024 ».

Jp Peyrache

Illustration : Thiriet

Paru dans La Brèche n° 10 (décembre 2024-février 2025)