Le collège pas très académique de Pierre-Édouard Stérin

Apparu dans le champ catholique identitaire d’extrême-droite comme un alter-ego de Bolloré (lire La Brèche no 3 – mai-juin 2023), Pierre-Édouard Stérin a jusque-là raté ses tentatives de rachat dans l’édition (Editis, en 2023) et les médias (Marianne, en 2024). Il cible dès lors d’autres domaines d’activité, notamment l’éducation. C’est ainsi qu’il a ouvert en septembre 2025 un collège catholique privé hors-contrat, l’Académie Saint-Louis, au cœur de la Sologne. Alors que le dossier a été déposé le 18 avril auprès de l’inspection d’académie, cette dernière a donné son feu vert au bout des trois mois de délai, le vendredi 18 juillet. Après avoir racheté un domaine de 175 hectares où trône un château bordé d’un étang, dans la petite commune de Nouan-le-Fuzelier (Loir-et-Cher), Pierre-Édouard Stérin veut en faire un internat pour garçons, basé sur le modèle des établissements privés d’élite anglais. Avec tout l’attirail qui convient à ce genre de projet : uniformes, compétitions sportives et capitaines de chambrée. Mais avec une différence de taille, car le cœur de l’enseignement tient ici en deux mots : catholicisme intégral. Autrement dit, la version la plus traditionaliste de la religion catholique, celle des militants anti-IVG et anti-mariage pour tous.

Dans la présentation du projet exposée sur son site internet, l’établissement joue habilement sur les mots pour tenter d’atténuer son caractère identitaire en remplaçant le plus possible les termes « religion » et « catholique » par « spirituel ». « La vie spirituelle irrigue l’ensemble du projet éducatif », est-il par exemple indiqué. Quelques indices laissent cependant deviner la vraie nature du modèle éducatif : « La prière quotidienne, la messe hebdomadaire, les retraites, le catéchisme offrent aux élèves un ancrage solide et paisible. » Mais il faut plonger dans la charte du réseau Saint-Joseph Éducation, auquel l’Académie Saint-Louis s’est rattachée, pour avoir une vision beaucoup plus précise et claire du contenu des enseignements qui seront dispensés.

En voici un extrait : « Notre ambition procède d’un regard qui vise pour [l’élève] le meilleur, la sainteté. Par définition, l’enfant est confié à la tache éducative des adultes pour atteindre cette finalité. La discipline quotidienne aura pour démarche le Décalogue, et pour finalité les Béatitudes… » À lire ces lignes, l’impression qui se dégage est celle d’avoir affaire à une fabrique de futurs soldats de Dieu.

Un appel a été lancé pour son interdiction

Le directeur du projet, Jean-Cyrille Péroteau, s’était fait remarquer lorsqu’il dirigeait le lycée privé Notre-Dame-des-Aydes à Blois. En 2015, il avait en effet interdit aux élèves de regarder le film « Pride », par refus de faire « la promotion de l’homosexualité ». À la rentrée 2026, Pierre-Édouard Stérin veut agrandir l’académie en ajoutant un lycée, et ouvrir d’autres établissements du même type dans toute la France, pour filles notamment. Le 10 juillet dernier, 160 personnalités locales et nationales, universitaires, syndicales et politiques, dont le maire de Blois et le président de la région Centre Val-de-Loire, ont signé un appel réclamant l’interdiction de cet établissement « au nom de la protection de la jeunesse et […] des principes fondamentaux de notre République ». Huit jours plus tard, l’inspection de l’académie donnait son accord. Malgré les protestations et alors qu’il était empêtré dans l’affaire Bétharram, François Bayrou a finalement évité un autre dossier catholique encombrant.

Luc Chatel

Illustration : Rémy Cattelain

Paru dans La Brèche n° 13 (septembre-novembre 2025)