Édito : Le papier ou l’éloge de la lenteur
La Brèche passe les obstacles, un à un, avec cette volonté de créer son propre sillon. Nous sommes comme dans une forêt, dans laquelle nous avançons à tâtons en utilisant notre instinct comme boussole. Quelques indications nous invitent à prendre certains itinéraires : numérique, réseaux sociaux… Nous poursuivons notre route. Un panneau lumineux avec des ampoules qui scintillent de manière saccadée s’impose à notre regard. Il y est inscrit PUBLICITÉ en lettres d’or. On se fait la courte échelle pour dévisser les ampoules et on reprend notre chemin sur ce petit sentier parsemé d’embûches dont on ne connaît pas l’issue. Peu importe. Comme en course d’orientation, on essaie d’avancer par étapes en suivant ce sage précepte : il vaut mieux marcher dans le bon sens, que courir dans le mauvais.
« On arrête tout, on réfléchit »
Garder le cap n’empêche pas d’évoluer. Vous aurez remarqué que nous avons changé de format. Une question d’opportunité qui nous permet de passer en 16 pages et d’améliorer (on l’espère) la prise en main. Certains perspicaces verront peut-être que nous avons également changé notre phrase d’accroche. On aimait bien le « On arrête tout, on réfléchit » de Gébé, mais on a voulu trouver une phrase « à nous », qui définit cette ligne directrice qui nous anime. « Journal d’enquête qui parle de tout mais surtout d’autres choses » est devenu « Avec l’écran, on passe le temps ; avec le papier, on prend le temps ». Elle résume bien cette idée du temps long, partagé, à contre-courant des préceptes à la mode de l’instantanéité.
Quand l’essentiel des médias sabordent leur version papier pour foncer sur l’écran – tout en cherchant un modèle économique –, nous décidons de suivre notre propre chemin. Et en sept numéros, nous avons pris conscience que nous n’étions pas seuls à nous engouffrer dans cette voie. Nous avançons lentement, mais avec vous. Tant pis pour l’immédiateté, faisons l’éloge de la lenteur, de l’analyse plus que de la polémique. Oui, le journal papier a de l’avenir !
Depuis le Covid, les journaux à la disposition des clients ont complètement disparu des bars et restaurants. Fini le temps du « Vous avez fini ? Je peux le lire ? ». Un lien de plus s’est évaporé. Lors d’une rencontre, une lectrice se demandait justement la dernière fois qu’elle avait vu quelqu’un lire un journal dans l’espace public. Elle n’a pas trouvé. Peut-être qu’un jour elle verra La Brèche, tendue derrière deux bras à une terrasse de café. Quelle victoire ce serait ! Alors, envahissons les terrasses, les places et les jardins publics avec nos journaux ! Et envoyez-nous vos photos, on en serait ravis.
En attendant, nous poursuivons prudemment notre route loin de l’économie du clic, en défendant le papier. On tâtonne, en avançant étape par étape. Lentement. Est-ce le bon chemin ? Peut-être pas. Mais c’est le nôtre.