Des outils de Google fournis à Israël : des employés s’indignent

Le média en ligne The Intercept1, qui a pu accéder à des documents liés au projet “Nimbus”, a récemment affirmé que Google fournissait au gouvernement israélien des outils d’intelligence artificielle sensibles à l’aide de ses plates-formes. Ceux-ci comprennent notamment des dispositifs permettant la reconnaissance faciale, le suivi d’objets en mouvement, la classification automatique d’images et même la détection de sentiments. Ces révélations viennent corroborer les inquiétudes soulevées par de nombreux employés de la firme américaine au moment du lancement de ce projet, réticents à l’idée de doter l’État hébreu de technologies susceptibles d’être utilisées à l’encontre des populations palestiniennes.

Le projet Nimbus, conclu en avril 2021, engage alors Google – et également Amazon – à fournir à l’état israélien des outils d’intelligence artificielle et d’autres services informatiques. Un accord qui court initialement sur 7 ans – avant une possible reconduction –, pour un montant de 1,2 milliard de dollars (soit un peu moins de 1,2 milliard d’euros). C’est le point de départ d’une fronde en interne, plusieurs employés s’inquiétant de l’usage qui pourrait être fait de ces technologies. Cette même année, Israël a en effet été formellement accusé de crime contre l’humanité par Amnesty International et Human Rights Watch, en vertu du système d’apartheid mis en place à l’encontre des ressortissants palestiniens.

Plus de 800 employés opposés au projet

« Nous sommes des employés de Google et d’Amazon. Nous condamnons le projet Nimbus. » C’est par ces mots que débute une lettre ouverte, publiée dans le Guardian2 en octobre 2021, rédigée par des travailleurs anonymes – par crainte de représailles. Celle-ci aurait depuis récolté plus de 800 signatures de soutien en interne. Parmi elles, celle d’Ariel Koren, responsable marketing de la branche des produits éducatifs de Google. Cette dernière, dont la voix s’éleva publiquement contre le projet Nimbus, a par la suite annoncé sa démission en raison d’un « environnement hostile et d’initiatives illégales prises par la compagnie ». Elle concluait par ces mots son communiqué : « Au lieu d’écouter les employés qui veulent que Google se montre à la hauteur de ses principes éthiques, Google poursuit vigoureusement des contrats militaires et réduit au silence les voix de ses employés en utilisant le musellement et les représailles à mon égard et à l’égard de nombreux autres. »

Les inquiétudes semblent fondées, tant l’usage des technologies sécuritaires israéliennes pour contrôler les Palestiniens est documenté. Un article du Washington Post3 a par exemple révélé l’existence d’un programme militaire secret appelé “Blue Wolf”, visant à la reconnaissance faciale des populations ciblées. Le 8 septembre, les rues de New York et d’autres villes des États-Unis ont vu défiler des dizaines d’employés de Google et d’Amazon, réclamant la fin du projet Nimbus. Des manifestations renouvelées le 3 novembre qui n’ont pas eu l’effet escompté, puisqu’à l’heure actuelle, le projet en question a toujours cours.

Jean-Philippe Peyrache

1 « Documents Reveal Advanced AI Tools Google Is Selling to Israel », The Intercept, 24/07/2022

2 « We Are Google and Amazon Workers. We Condemn Project Nimbus », The Guardian, 12/10/2021

3 « Israel Escalates Surveillance of Palestinians with Facial Recognition Program in West Bank », Washington Post, 08/11/2021