Climat : la hausse du niveau d’eau impacte déjà de nombreuses villes
Si certaines parties du globe sont touchées par des sécheresses, d’autres connaissent une préoccupante hausse des précipitations. « Quand on parle de réchauffement climatique, on associe généralement cela à des assèchements. C’est le cas en Europe, mais ça peut aussi se traduire par des perturbations de précipitations qui viennent générer des excès d’eau. Nous avons, par exemple, constaté grâce aux données d’altimétrie satellitaires une montée des eaux sur les lacs de l’Afrique de l’Est, ces dernières années », explique Jean-François Cretaux, chercheur au Cnes (Centre national d’études spatiales) et directeur adjoint du Legos (Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiale). Il a commencé à travailler avec Paul-Gérard Gbetkom sur le lac Tanganyika, à partir de 2021, année où il a atteint son niveau maximum depuis les trente dernières années.
Il s’agit du lac le plus étendu du monde avec 673 km de longueur, à la frontière entre le Burundi, la République démocratique du Congo et la Tanzanie : « Il est monté de 1,5 ou 2 mètres en quelques mois, cela représente des quantités d’eau phénoménales. »
Afrique de l’Est : plus de 300 000 personnes affectées par les inondations
La ville de Bujumbura, capitale économique du Burundi avec 1,2 million d’habitants, est située au bord du lac Tanganyika et subit d’importantes inondations. Ce ne sont pas des crues comme on peut en voir en France, mais une montée des eaux progressive, inéluctable : « Des gens perdent leur maison, il y a des accidents mortels et de nombreux déplacés. Et cette augmentation très forte des précipitations s’étend dans toute l’Afrique centrale et de l’Est. Dès le mois de janvier 2024, on s’est aperçus que le niveau était bien plus haut que ces trente dernières années. Un phénomène extrême que l’on a également constaté sur le lac Victoria, et d’autres. » Plus de 300 000 personnes ont été affectées en 2021 par les inondations, en République démocratique du Congo et au Burundi. En 2020, l’élévation du niveau du lac Victoria a entraîné le déplacement des populations locales et une panne d’électricité régionale en Ouganda : « La hausse des niveaux d’eau risque d’amener des villes à disparaître et donc pousser des gens à aller voir ailleurs. »
Plateau tibétain : hausse des niveaux d’eau de 10 à 15 mètres
Sur le plateau tibétain se trouvent plus de 1 500 lacs. Et là aussi, depuis 20 ans, l’eau monte. « Des prévisions sont établies à partir des scénarios de changement climatique. Les niveaux vont monter de plusieurs mètres, de 10 à 15 m de montée pour certains lacs. » Cela aura de lourdes conséquences : « Plus de 1 000 km de route submergés, 20 000 km2 à 30 000 km2 de surface inondée et des villages qui vont disparaître. » En Asie comme en Afrique de l’Est : « Certaines villes sont déjà impactées par le réchauffement climatique. »
Au-delà de l’observation, ces recherches sont avant tout menées dans un but préventif : « En lien avec l’OMM (Organisation météorologique mondiale), nous avons mis en place un système d’alerte. L’eau met un à deux mois pour arriver des montagnes jusqu’au lac Tanganyika. Cela permet une anticipation en analysant la quantité de pluie tombée sur le massif du bassin versant. Ainsi, on prépare des ateliers au Congo, au Burundi, mais aussi au Tchad pour que les décisionnaires locaux puissent s’approprier les données et les analyser. On élabore un outil clefs en main, simple d’utilisation et pérenne pour qu’à la fin, ils n’aient plus besoin de nous. »