Au sein des universités françaises, le réseau MEnS agit pour l’accueil des exilés
« Notre première valeur est l’accès inconditionnel à l’enseignement supérieur. » C’est ainsi que Camille Hanon résume la démarche du Réseau MEnS – Migrants dans l’enseignement supérieur –, dont elle est la directrice. « Celui-ci a vu le jour de manière informelle durant l’année universitaire 2016-2017, à la suite de l’arrivée de nombreux étudiants déplacés de Syrie et face au constat du manque de dispositifs spécifiques pour accompagner les exilés au sein des universités françaises. » Cette expérience a notamment permis de mieux répondre à l’afflux de réfugiés ukrainiens depuis l’invasion russe1.
Les personnes immigrées sont souvent diplômées
Contrairement aux idées reçues, une part importante des personnes immigrées ont suivi un cursus universitaire. D’après des statistiques publiées par l’Insee en avril dernier, 51 % des personnes arrivées en France en 2021 étaient titulaires d’un diplôme du supérieur2. Mais plusieurs obstacles empêchent souvent ces dernières de mettre à profit leurs compétences pour poursuivre leurs études, comme l’explique notre interlocutrice : « Le premier obstacle concerne la maîtrise de la langue française. Le niveau B2 est requis pour accéder à l’enseignement supérieur, mais les formations gratuites se limitent la plupart du temps aux niveaux A1 ou A2. Par ailleurs, les personnes exilées ont souvent des parcours atypiques, avec des ruptures longues. Il est donc difficile de les faire reconnaître académiquement. Enfin, la plus grosse problématique reste celle des conditions matérielles souvent précaires dans lesquelles vivent ces personnes, donnant peu de perspectives pour suivre une formation non rémunérée. »
C’est donc pour répondre à ces difficultés de plus en plus prégnantes que le Réseau MEnS s’est progressivement structuré : « Face à ces réalités, les personnels d’université se sont réunis et beaucoup de dispositifs spécifiques se sont montés. En 2019, nous avons pu obtenir la reconnaissance de ces dispositifs en “DU passerelle”, qui permet aux étudiants d’avoir accès aux bourses sur critères sociaux et de bénéficier d’un accompagnement sur les plans administratif, médical et psychologique, tout en suivant des cours de français et d’autres disciplines. L’objectif étant de rejoindre par la suite une formation académique. »
« Prévenir le déclassement social et professionnel »
Camille Hanon, directrice du réseau MEnS
En 2023, le Réseau comptait ainsi 54 établissements membres et 39 dispositifs de type « DU passerelle » déployés. Pour une réussite avérée : « Nous sommes à 7 % de réussite au diplôme et presque autant d’insertion dans l’enseignement supérieur. Nous avons également 15 % d’étudiants qui vont en formation professionnelle ou en emploi. » Si 8 000 personnes exilées ont déjà pu bénéficier de ces dispositifs, les moyens manquent, comme le souligne Camille Hanon : « À l’échelle nationale, nous avons eu récemment près de 6 000 candidatures pour un total de 1 800 places. »
Il faut dire que le succès du Réseau MEnS dépend en grande partie de l’engagement d’une poignée de personnes par établissement : « Dans les universités, le bon fonctionnement repose sur des volontés individuelles. C’est super, mais si les personnes concernées partent, tout s’écroule. Nous souhaitons donc l’éviter en nous structurant au mieux et en bénéficiant d’un soutien plus important de la part de l’État. »
Les récentes élections législatives ont ainsi été une importante source de stress pour Camille Hanon et son équipe : « Nous avons craint que toutes nos subventions ne disparaissent, car il s’agissait d’une des promesses de campagne du Rassemblement national (RN). Ce qui aurait eu pour effet de diminuer de moitié les places disponibles au sein de nos formations. » Pourtant, au-delà des clivages militants, « l’Université ne peut, en vertu du Code de l’éducation, refuser une personne en raison de son statut administratif, mais seulement sur des critères académiques », rappelle notre interlocutrice. Et celle-ci d’ajouter : « Alors que les propositions faites par le RN vont à l’encontre des conventions internationales, nous sommes en devoir de permettre aux personnes exilées d’avoir un avenir en France, afin de prévenir leur déclassement social et professionnel. »