50 ans après la loi Veil, il existe toujours des déserts d’IVG
Cinquante ans après la loi Veil et à l’aube de sa première année de constitutionnalisation, l’accès à l’IVG est toujours inégal sur le territoire français. « Les parcours peuvent être plus compliqués lorsqu’il s’agit d’une IVG tardive, à plus de 12 semaines », explique Patricia Cally, sage-femme libérale à Lanta, un petit village de Haute-Garonne. Elle est la seule praticienne libérale autour de sa commune à être habilitée à l’IVG médicamenteuse (réalisable jusqu’à 7 semaines de grossesse), possible pour la profession depuis 2016. L’implication des soignants libéraux est essentielle car certaines zones géographiques ne bénéficient pas ou plus d’un maillage territorial suffisant pour garantir un parcours simple.
« Faire parfois 80 km pour avorter »
Sarah Durocher, présidente du planning familial
47 % des plannings familiaux départementaux déclarent que l’accès à l’IVG n’est pas facile dans leur territoire. Issu du premier baromètre sur l’accès à l’avortement en France, publié par le planning familial en partenariat avec l’Ifop en septembre 2024, le document est sans appel : mobilité, manque de soignants, rendez-vous trop tardifs et jugements des patientes compliquent les prises en charge. « Aujourd’hui, un grand nombre de femmes sont obligées de faire jusqu’à 80 kilomètres pour avorter. Or un avortement requiert parfois trois rendez-vous », indique Sarah Durocher, présidente du planning familial.
L’inégalité concernant la méthode est aussi une réalité en France : seuls 25 % des établissements de santé proposent les deux choix de l’IVG médicamenteuse ou instrumentale et seuls 44 % d’entre eux prennent en charge les grossesses tardives, à plus de 12 semaines, malgré l’allongement légal à 14 semaines, promulgué en 2022. Comparé à la Belgique ou la Suisse, où le délai est encore à 12 semaines, l’Hexagone reste tout de même en avance sur le sujet d’un point de vue législatif.
Mais en France, « 18 % des femmes métropolitaines réalisent leur IVG hors de leur département de résidence ». Un taux très important qui peut également s’expliquer par les délais de rendez-vous de certains territoires : 54 % des femmes ayant avorté dans un établissement de santé ont attendu plus de sept jours pour obtenir leur première consultation alors que la Haute Autorité de Santé recommande un rendez-vous dans les cinq jours. Ces délais incitent chaque année entre 3 000 et 4 000 femmes à devoir se rendre à l’étranger pour avorter. Des plannings familiaux organisent même des cagnottes pour les aider à payer leurs frais. « La constitutionnalisation de l’IVG est un symbole fort, mais si on ne donne pas les moyens de le mettre en pratique, ça ne fonctionnera pas », souligne Patricia Cally.