Giesbert, la censure et les cochons
Franz-Olivier Giesbert, quand il n’aime pas, ça se voit. L’arrivée du Nouveau Front Populaire en tête des dernières législatives, par exemple, il n’a pas aimé. Mais pas du tout. Les téléspectateurs ont pu le voir perdre ses nerfs face à une Clémence Guetté impassible, le soir du 7 juillet 2024 sur BFM TV, qui lui rappelait que les députés insoumis avaient le droit au respect dû aux élus de la Nation. Deux années plus tôt, après la présidentielle, quand l’avocat de droite Charles Consigny déclara le 25 avril dans « C ce soir » sur France 5 à propos de Macron : « J’admire les insoumis qui se sont déplacés pour aller voter pour un candidat qui a infligé un tel niveau de violences policières », Giesbert grommela un « holalalala », qui est son argument de prédilection avec « non mais enfin faut arrêter ! » et « on a le droit de parler quand même ! ». Consigny rebondit aussitôt : « Voilà, la réaction est immédiate. C’est la réaction typique des bourgeois pro-Macron ».
Le portrait était bien vu, car Giesbert, par sa carrière, illustre à merveille le « en même temps » macronien. Patron du principal hebdo de gauche dans les années 1970, le Nouvel Observateur, et coauteur d’un ouvrage avec Pierre Mauroy en 1977 qui défendait le programme commun (Héritiers de l’avenir, Stock), il est passé dans le camp opposé en 1988, devenant directeur de l’organe officiel de la droite, Le Figaro. Puis il est allé s’épanouir au Point, où ses couvertures à sensation ont fait bondir les ventes, et dessiné en creux un fabuleux autoportrait : « Spécial riches », « Les mégalos », « Les indécents »…
Pour avoir une idée du degré d’exemplarité journalistique de celui que tous les médias et éditeurs s’arrachent depuis des décennies, on peut se référer à son aveu fait au micro de Jacques Chancel sur France Inter, le 16 décembre 1989. À la question de savoir si, comme directeur du Figaro, il avait eu à subir la censure de son propriétaire Robert Hersant – connu pour avoir collaboré avec l’occupant nazi pendant la seconde guerre mondiale –, il répondit : « Oui, ce sont des choses qui arrivent dans tous les journaux et ça me paraît tout à fait normal. » Signalons aussi sa condamnation en 2014 comme directeur du Point pour « diffamation publique envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou nationalité chinoise ».
Alors qu’il assume sans trop le cacher son attrait pour le pouvoir, l’argent et les mondanités, il essaie parfois de se donner une image un peu plus authentique et humble, quand il affirme par exemple être végétarien ou militant de la cause animale. Il en a même fait un livre manifeste en 2014 : « L’animal est une personne. Pour nos frères et sœurs les bêtes. » (Fayard, 2014), dans lequel il avoua sa passion secrète pour un animal en particulier, le cochon.
Signalons à ce sujet la fameuse sentence de Pierre Desproges : « Le cochon offre de nombreux points de comparaison avec un autre mammifère sans poils passé expert dans l’art de semer la merde et de se vautrer dedans. »