Le détricotage du système de santé en une du numéro 8
Le 8ème opus du journal rejoindra les kiosques le 10 mai. Son dossier central est consacré au détricotage du système de santé français. Bien d’autres thématiques sont abordées au sein de ce numéro, comme la “guerre froide” sur les pôles synonyme de catastrophe scientifique, payer 10 000 dollars et espérer une autorisation d’Israël pour sortir de Gaza ou encore la compensation écologique basée sur la biodiversité comme nouvelle arnaque verte. Le sommaire en intégralité est à retrouver ici.
Peut-on encore soigner ce système cassé et reprendre le fil d’une santé pour tous ?
Notre système de santé arrive à la rupture. Les soignants sont épuisés, sans perspectives. Les patients, désabusés, subissent l’affligeante dégringolade de la qualité des soins. À force de tirer sur le fil, tout un système se détricote. Personnels comme usagers sont à bout. Les alertes ne manquent pas. Les témoignages s’empilent autant que les brancards dans les couloirs des hôpitaux, sans réponse convenable du gouvernement.
Gabriel Attal a bondi sur ce sujet en proposant une « taxe lapin » pour faire payer le patient qui n’honore pas son rendez-vous. Le Premier ministre pointe ainsi du doigt l’usager. Le problème ne serait-il pas plutôt systémique ?
Nous sommes passés du meilleur système de santé au monde à une organisation en crise perpétuelle. Les vitrines de ce délitement se nomment déserts médicaux et hôpital public. La pyramide des âges et la crise des vocations hospitalières font craindre des fermetures de services, partout en France. « Tout le monde essaie de bien faire. Ce serait plus simple si ça venait d’une personne mais on est dans une situation d’échec global et il est difficile de garder espoir », témoigne Geneviève Blanchet, neurologue et responsable d’une unité de soins intensifs neuro-vasculaires à l’hôpital de Narbonne. Elle résume les difficultés de tous les hôpitaux de France : « Je passe des heures à faire des plannings, boucher des trous. Tenir un temps comme ça, ça va. Mais il n’y a pas de perspectives. On épuise les gens et on les fait partir. »
« À force, on n’a plus de capacité d’indignation »
En dysfonctionnement permanent, l’hôpital n’attire plus. « On n’arrive plus du tout à recruter. En Occitanie, rien que sur ces unités neuro-vasculaires, il manque 18 neurologues. » Quand la neurologue s’insurge devant le salaire des intérimaires, on lui propose de passer praticienne contractuelle. La goutte d’eau qui lui a fait prendre la parole. Car, comme beaucoup, Généviève Blanchet s’est fait une raison : « La période est très difficile et on s’habitue à beaucoup de choses anormales. À force, on n’a plus de capacité d’indignation. Ce qui nous fait tenir c’est de maintenir une qualité de soin pour nos patients, mais à quel prix… » L’État répond par des mutualisations, des réorganisations : « C’est du cache-misère. La réalité est que cela devient un service dégradé. » Le constat est simple : « On a besoin de réformes d’ampleur ! »
Le problème ne serait donc pas l’usager mais bien le système. En tirant le fil, on comprend que ce qui a marché peut encore fonctionner. « Il faut s’inspirer d’avant pour faire mieux encore », souligne Michèle Leflon, présidente de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité (CNCDHMP). Les résistances se forment et gagnent de petites batailles : une loi pourrait être votée durant l’été et une commission parlementaire est lancée.
Ce dossier permet de s’indigner, s’insurger, de comprendre comment un système vertueux a été détricoté maille par maille, par des politiciens de droite comme de gauche, mais aussi d’espérer. Le 12 mars 2020, dans son discours annonçant le premier confinement, Emmanuel Macron déclarait : « La santé n’a pas de prix. […] Ce que nous sommes en train de faire, nous en tirerons toutes les leçons et sortirons avec un système de santé encore plus fort. » C’est raté mais il n’est pas trop tard pour reprendre le fil.